10

Commissariat Central, 17 décembre 16h35

Essoufflée Brigitte entre tel un ouragan dans la pièce déjà étroite pour quatre personnes.

« -   Je viens d’apprendre la nouvelle. Commissaire, vous avez vraiment arrêté la femme du Maire ?
-
C’est bien mon intention. Mais, bien que nous ayons de fortes présemptions et de nombreux indices qui se recoupent vous devinez que le dossier va devoir être sacrément bien fourni pour que le procureur ose le présenter au Juge. »

Timidement il se tourna vers Jade. Il savait qu’il lui demandait beaucoup, tout reposait sur son témoignage.

«  Non, rien ne t’oblige à le faire. »
 Les mots avaient échappés à Charles et tous les regards se tournèrent vers lui.

S’il s’était agit de quelqu’un d’autre, d’un témoin anonyme il se serait battu bec et ongles pour le convaincre. Il aurait trouvé les arguments. Mais il s’agissait de Jade, et son estomac se révulsait à la seule idée qu’elle pourrait être blessée, ou tuée.

Il ignora le regard assassin de son chef et poursuivit.

 «  Qu’as-tu à y gagner ? Personne ne peut t’assurer qu’il ne t’arrivera rien ? Soyons réaliste, elle est la femme du Maire mais surtout elle a de nombreux amis dans la pègre apparemment. On ne pourra pas te protéger 24h/24. Même pas moi.
-
Pardon ? 
-
Tu as bien entendu. Je te demande de ne pas témoigner.»

 Stupéfaite la jeune femme demanda à tous de les laisser seuls.

Le chef n’en revenait pas.
Que l’un de ses hommes perde toute objectivité à cause d’un regard pénétrant aux longs cils il le craignait mais s’y attendait. Mais jamais, au grand jamais, il n’aurait cru que cette victime des charmes féminins répondrait au nom de Charles Smala, l’un des meilleurs policiers qu’il ait rencontré de toute sa longue carrière !

Il leva les bras au ciel «  Ah les femmes ! » et sortit sans autre commentaire.

«  - Tu peux m’expliquer ce qu’il t’arrive ? Il y a moins de trois semaines tu aurais fait n’importe quoi pour me convaincre de témoigner et, maintenant que je suis décidée, tu veux m’en empêcher !
-
Je ne veux pas que tu sois blessée. On pourrais partir, disparaître loin d’ici et refaire nos vies ailleurs.
-
Et pourquoi ? »

Elle savait qu’elle n’aurait pas dû insister mais elle le sentait dans ses derniers retranchements et, s’il avait quelque chose à lui dire elle voulait que ce soit maintenant.

«  Parce que je t’aime. Je veux t’épouser et te faire pleins de bébés. »

Jade éclata de rire. C’était la déclaration d’amour la plus pitoyable qu’elle n’ait jamais entendu mais elle était folle de joie.

«  Moi aussi je t’aime, et c’est pour ça que je témoignerais. »

Alors que Charles voulut argumenter elle le coupa d’un geste et poursuivit.

«  Tu consacre ta vie à la Justice et au Droit et je ne supporterais pas d’être celle qui t’auras fait renoncer à cette vocation. De toute façon si je ne témoigne pas et que cette femme reste libre elle n’aura de cesse de me faire éliminer avant que je ne change d’avis tu ne crois pas ? »

Son raisonnement était censé. Il hocha légèrement la tête et la laissa poursuivre.

«  -  J’imagine de plus qu’une fois qu’elle sera incarcéré Mr le Maire s’empressera de demander le divorce. Elle n’aura plus aucune influence sur qui que soit et elle va certainement perdre toutes ses belles relations qui se tourneront vite vers d’autres notables. Alors je vais témoigner, l’envoyer derrière les barreaux et, même si ta demande en mariage était en dessous de tout je vais t’obliger à tenir ta promesse et te traîner devant Mr le Maire ! 
 -  Ma demande en mariage ne t’a pas convaincue ? Voyons si je peux mieux faire.»

A la grande surprise de la jeune femme Charles s’agenouilla.

«  Oui oui et re-oui ! Mais quand as-tu acheté cette bague ? »

Charles sourit.

« Ce matin. Quand j’ai réalisé que je ne pourrais pas vivre sans toi il a fallu que je fonce chercher cette bague, c’est pour ça que je t’ai laissé seule à la cabane. »

A leurs éclats de rire famille et amis se risquèrent à revenir dans le bureau.
Brigitte Gastronome, blottie dans les bras de son mari eu un énigmatique sourire.

Jade témoignerait et Charles veillerait à ce que rien ne lui arrive.

Tout finirait bien, Brigitte Gastronome en avait l'intime conviction. Comme si le lutin qui longtemps s'était acharné contre avait appaisé son couroux et veillait désormais sur elle et sa famille.

Il semblait écrit dans les astres que sa vie, et celle des siens, devait être pleine de passion, d’aventures mais surtout d’amour.

FIN


Farfasite : design (aout 2006) et contenu (décembre 2008) par Farfasims // 2008