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Forêt de l’empyrée, 17 décembre 10h30

«  - Que fait-on là Charles ?
-
La planque n’est absolument pas sûre. Ils n’auraient pas dû nous trouver aussi rapidement »

Le jeune homme ne dévoila pas la suite de sa pensée mais Jade fit elle-même la déduction qui s’imposait.

 «  - Tu crois qu’il y a un traître dans la police.
-
Je pense que dans une affaire de corruption de cette importance il faut se méfier de tout le monde.
-
Alors qu’attendons nous pour chercher un endroit sûr?
-
Je sais où nous cacher, mais on va avoir besoin d’un coup de main et je ne vois qu’une personne pour nous aider
-  
Pouvons nous faire confiance à qui que ce soit ?
-
J’ai appelé mon père. C’est lui que l’on attend. Il va nous rejoindre d’un instant à l’autre. »

Il pensa à la cache qu’il avait choisie et Adam lui manqua. Brutalement, par surprise, le chagrin l’envahit. Ce « refuge », situé au sommet d’un des arbres de cette forêt, était « la forteresse de solitude » de l’ancien partenaire de son père.

En dix ans il n’avait pas beaucoup pensé à son « frère ».
C’est sans doute parce qu’Adam avait rejoint leur famille grâce à ses pouvoirs que Charles avait caché les siens. Peut-être avait-il eut peur de la comparaison. Il était le fils normal, celui qu’on aimait pour lui-même, il n’avait pas besoin d’un lien spécial pour appartenir à cette famille et, en cachant ce qu’il était vraiment, il avait permis à Adam de se sentir à sa place et lui à la sienne.
 Ce n’est qu’une fois la véritable identité de son père révélée à la face du monde et Adam disparu qu’il avait dû supporter le poids d’être « le fils de ». Il vivait cet héritage comme un fardeau quotidien et se félicita d’avoir eu la prudence de se taire à l’époque.

Soudain une ombre les survola avant de se poser à leurs côtés.
Le moment était venu: aujourd’hui tout allait changer

« - Bonjour mon grand.
-
Bonjour papa.
-Alors c’est elle ? »

Charles sourit. Pas besoin de grand discours, d’un seul regard son père semblait avoir compris que Jade représentait bien davantage qu’une « mission ».

« - Oui papa. Nous avons été attaqué ce matin. Je pense qu’un de nos hommes nous a vendu.
- Vous n’avez rien ?
-
Ca baigne.
- Tu crois réellement l’un de tes collègues se laisserait acheter ?
-
Tout le monde a un prix. Il suffit de trouver lequel. »

Semblant peser les mots de son fils Yseph se tourna enfin vers la jeune femme qui l’accompagnait.

 «  - Enchanté, je suis Yseph, le père de Charles, ne croyez pas un mot de ce qu’il a pu vous raconter.
-
Bonjour. Je vous avais reconnu, et en fait, il ne m’a pas parlé de vous.
- Nous y voilà. J’ai le cœur brisé par le manque d’adoration de mon propre fils !  »

Le ton était donné. Yseph aimait plaisanter et il appréciait Jade, malgré l’évidente timidité de celle-ci.

Avec son habituel désir de ne pas s’encombrer de détails,Yseph alla droit au but.

« Quand tu m’as donné rendez-vous ici j’ai compris de suite. Se cacher au refuge est une excellente idée. Personne ne vous trouvera là haut. »

Il se tut un instant avant de confier ce qui le préoccupait.

« -  Malheureusement, une fois que je vous aurais installé vous y serez coincé. 
-
En réalité non. Accéder à la cabane ne me posera aucun problème papa. »

Yseph hésita une seconde. Il n’y avait ni route, ni chemin et un seul moyen d’atteindre cet abri construit dans les plus hautes parties de la montagne.
Cela ne faisait pas de mystères. Pour s’y réfugier il suffisait à Adam de voler. Et si Charles semblait si sûr de pouvoir s’y cacher avec Jade…

 Nul besoin d’être particulièrement doué pour comprendre ce que son fils unique lui avait caché pendant plus de vingt ans !

«  Tu ne m’as jamais rien dit ! Pourquoi ?.... Après tout, tu n’as pas à te justifier. »

Charles hésita un instant. Il avait blessé son père, involontairement. Sans doute lui devait-il une explication. Mais comment ne pas le peiner davantage ?

«  - Ca n’a aucune importance papa. Je n’ai juste pas eu besoin d’en parler à quelqu’un. Le frère aux pouvoirs s’était Adam, point final. Et aujourd’hui je t’appelle parce que j’ai besoin de toi. Tu veux bien nous aider ?
- Bien sûr, dis moi ce que je peux faire pour vous ? »

«  - Va voir le Commissaire Lebon et pose lui toutes les questions que tu pourras. Où en est la filature de l’homme de la bibliothèque ? Ont-ils avancé ? Bref donne moi des informations qui me permettront de ne pas me sentir aveugle.
-
Vous pensez pouvoir faire confiance au Commissaire ?
-
C’est lui qui m’a mis sur la mission. Il n’est pas si bête ! »

Il avait répondu trop sèchement, il s’en sermonna en voyant rougir la jeune femme des pieds à la tête. Cette  manière qu’elle avait de rentrer dans sa coquille à la moindre réflexion l’agaçait et le charmait à la fois.
Il n’aurait pas du être aussi sévère, mais qu’elle besoin avait elle eu d’énoncer à haute voix ce que tous trois craignaient : qu’ils ne pouvaient se fier à personne.

Yseph n’était pas né de la dernière pluie. Il se passaient quelque chose entre ses deux là, il en aurait mis sa main au feu.
D’accord, grâce à ses pouvoirs il ne craignait pas les flammes, mais Cupidon traînait dans les parages et cette jeune femme était follement amoureuse de son fils où il ne s’appelait plus Yseph Smala !
Il se sentait obligé de rassurer Jade.

« Le Comissaire Lebon est un vieil ami. Je l’estime et ne le crois pas corrompu. De toute façon vous n’avez rien à craindre. Avec la famille Smala vous êtes entre les meilleures mains du pays ! »

Puis, posant affectueusement la main sur l’épaule de son fils avec un regard lourd de sens,  il s’envola d’un trait.

 «  Ne restons pas là. Le mieux est de se mettre à l’abri et d’attendre son retour.
Tu n’as pas le vertige au moins ?
 »

Secouant la tête la jeune femme lui fit timidement signe que non avant de sourire et de serrer la main qu’il lui tendait.
Sans qu’elle s’en aperçoive réellement ils s’envolèrent vers l’abri dissimulé derrière les feuillages.

Ici rien ne pouvait les atteindre. Jetant un regard autour d’elle Jade ne vit que des arbres, à perte de vue.

Ils étaient seuls au monde. Blottie dans les bras de celui qu’elle aimait, prise d’une audace dont elle ne se serait jamais crue capable, elle leva le visage vers lui et l’embrassa.



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